La Bolivie : De la misère à l'espoir ?


Carte de la Bolivie

  1. Repères

Superficie : 1,1 millions km2.
Population : 9,4 millions.
Capitale officielle : Sucre
Capitale administrative : La Paz
Langues principales : Espagnol, Quechua, Aymara, Guarani
Régime : République parlementaire
Président (depuis 2005) : Evo Morales
PIB par habitant ($) : 2817
Mortalité infantile ‰ : 55,6
Espérance de vie : 63,9
Population urbaine : 63,9
IDH : 0,687
Analphabétisme hommes : 6,9
Analphabétisme femmes : 19,4

  1. Un pays de montagnes, de vallées, de hauts plateaux et de plaines tropicales

Située au centre de l’Amérique latine, la Bolivie n'a pas d'accès à la mer ; elle est entourée par le Chili, l'Argentine, le Paraguay, le Brésil et le Pérou.
La Bolivie est composée de deux régions géographiques principales :

  1. A l’ouest, depuis les vallées tropicales (ou Yungas), les Andes boliviennes s’élancent jusqu’à l’Altiplano, un couloir nord-sud s’étirant à près de 4 000 mètres d’altitude entre des cordillères aux sommets majestueux (le Sajama 6542 m., l’Ilimani 6438 m.). Le haut plateau forme un système hydrographique presque fermé (lac Titicaca - Río Desaguadero - lac Poopo - Salar de Uyuni). La capitale La Paz est située dans la cordillère nord-est. Dans ces zones montagneuses, le climat est sec, venteux et froid. Les vallées de la cordillère orientale sont humides et les contreforts sont couverts de forêts.
  2. - La partie orientale comporte de vastes plaines alluviales qui bénéficient d'un climat tropical. Le nord de cette zone appartient au bassin amazonien et est en partie couvert de forêts ;  le sud fait partie du bassin du Rio Paraguay et est défriché. Le climat est subtropical.

Pays le plus haut et le plus isolé d’Amérique du Sud, la Bolivie est un pays contrasté, qui possède d’importantes ressources, naturelles et culturelles, mais où les richesses sont difficilement palpables pour les communautés amérindiennes.
 Une société composite et aux grandes inégalités
Selon le recensement national de 2001, la moitié de la population (9,4 millions) se considère indigène, répartie entre une trentaine de groupes ethniques dont les principaux sont les Quechuas, les Aymaras et les Guaranis. Du fait de cette diversité ethnique, le pays est multilingue avec une quarantaine de langues, presque toutes amérindiennes, parmi lesquelles 2 langues importantes (en nombre de locuteurs) : le quechua (34,4 %) et l'aymara (21,1 %). Environ 45 % des Boliviens parlent espagnol comme langue maternelle.

L'industrie extractive (gaz naturel, zinc, argent, plomb, étain, or) se taille la part du lion dans l'économie. Cependant 36 % de la population vit en milieu rural et la part de l'agriculture dans l'économie est de 16 % (2004) : soja, tournesol, café, sucre, fruits, quinoa, coton, fleurs, bois. On peut remarquer que le commerce équitable commence à apparaître dans les exportations, en particulier en ce qui concerne le café, le quinoa et un peu l'alpaga. Mais, sur ce sujet, on s'illusionne peut-être en raison des documents produits en France par les associations parties prenantes. Les produits manufacturés rapportent aussi au pays (textiles, produits chimiques, cuir, menuiserie). Enfin, nouveau venu dans cette activité économique : le tourisme, qu'on souhaiterait équitable.
Malgré toutes ces richesses et ces potentialités, 70 % de la population vit au dessous du seuil de pauvreté (90 % en ce qui concerne la population rurale) et souffre de sous-alimentation et de nombreuses maladies, tandis que 10 % de la population s'octroie 32 % des revenus. La Bolivie est ainsi le pays le plus pauvre d’Amérique du sud.

Il existe un clivage culturel et économique flagrant entre l'Ouest (région andine et vallées d’altitude) et l'Est du pays (plaines du Chaco, bassin amazonien). L'Ouest est plus indigène et traditionnel et si les ressources minières y ont eu une place essentielle, elles ne représentent aujourd’hui qu’une faible part de l’économie. Les régions de l'Est ont été colonisées plus tardivement : plus modernes, plus ouvertes sur l'extérieur, elles ont parfaitement intégrées le modèle néolibéral. Elles abritent l’essentiel des réserves en gaz naturel et sont utilisées pour des cultures d'exportation, le soja en particulier, liées aux industries agro-alimentaires.

Y. Le Bot parle d’une frontière interne floue et mouvante qui met en jeu de multiples clivages : économiques, sociaux, culturels, géographiques, etc. Cette frontière symbolique mobilise des identifications à différents niveaux (personnel, communautaire, national, etc.) et reste très liée à l’allocation des ressources (ressource foncière, minière, ressources politiques, à commencer par la participation, etc.) qui reproduit les structures coloniales de domination.

La révolution national-populiste de 1952 signifia de nombreuses avancées sociales telles que la nationalisation des mines et la fin des oligarchies de l’étain, le suffrage universel, le développement de l’éducation et la réforme agraire. Promulguée en 1953, cette réforme agraire mit en partie fin au système latifundiaire dans lequel quelques grands propriétaires créoles employaient des milliers d’indigène en situation de quasi-esclavage. Si le travail obligatoire disparut, le démantèlement des grandes propriétés n’eut le succès escompté que dans les régions andines (de l’altiplano et des vallées). Les « prises » d’haciendas ne touchèrent que peu les plaines orientales de la région de Santa Cruz où se développe, depuis quelques années, un Mouvement des paysans sans terre (MST), inspiré de son homologue brésilien.

En 1985, le gouvernement du MNR (Mouvement National Révolutionnaire) de Paz Estenssoro lança les réformes dites « de première génération », qui mirent fin à « l’Etat national ». Dictées par le FMI et la Banque mondiale, ces réforme aboutirent à un désengagement économique quasi total de l’Etat, symbolisé par le décret 21060 : réduction du déficit fiscal, blocage des salaires, libéralisation du marché et des prix, taux de change flexible, rationalisation du secteur public et donc privatisation des entreprises nationales déficitaires, etc. En 1986, la corporation minière, COMIBOL, qui avait été nationalisée en 1952, fut privatisée et 23 000 travailleurs furent licenciés. Cette catastrophe sociale se traduisit notamment par une forte émigration depuis l’Altiplano jusqu’aux zones de colonisation des vallées tropicales andines et de l’Orient bolivien. La libéralisation économique se poursuivit tout au long des années 1990 alors que les mouvements sociaux, souvent à caractère indianiste, se multipliaient.

Chronologie

5000 ans avant J.C. : Premiers établissements humains sur l'Altiplano.
1er siècle avant JC jusqu'au XIIIème siècle : Empire de Tiahuanaco.
1300 – 1532 : Développement de l'empire inca (Pérou, Bolivie, Equateur, Nord de l'Argentine et du Chili).
1532 : Début de la conquête espagnole.
1780-1781 : Soulèvement indien dirigé par Tupac Amaru II et son écrasement.
1808 : Début des guerres d'indépendance.
1825 : Proclamation d'indépendance de la Bolivie.
1879 à 1935 : guerres ou conflits avec le Chili, le Brésil, le Paraguay : la Bolivie perd chaque fois une partie de son territoire.
1967 : Mort du Che Guevara qui avait tenté d'ouvrir un foyer révolutionnaire en Bolivie.
1971 à 1980 : 4 coups d'Etat militaires.
1982 : Retour à la démocratie. Différents présidents.
2005 : Election d'Evo Morales, du MAS (Mouvement vers le socialisme).
2006 : Début des réformes.

Une histoire longue, brillante, violente

L’histoire précoloniale des Andes boliviennes se caractérise par des organisations politiques complexes. La civilisation de Tiahuanaco dont la formation remonterait au 1er millénaire avant J.C., est une des plus ancienne connue. A la fin du XIème siècle, elle céda la place a une multitudes de chefferies, dominées par le groupe ethnique aymara, qui se partagèrent les deux cotés de la cordillère des Andes. A partir du milieu du XV ème siècle, ces chefferies furent peu à peu conquises et intégrées à l’empire Inca qui, venant du nord, allait constituer un gigantesque ensemble politique depuis l’actuelle Colombie jusqu’au centre du Chili.

L'une des grandes singularités de cet empire fut d'avoir intégré, parfois par la force, des populations hétérogènes dans une organisation étatique originale dont l’élément de base était l’ayllu, structure socio-politique communautaire regroupant généralement quelques dizaines de familles.

En 1532, l’exécution de l’empereur  Atahualpa par les conquistadors espagnols, sous le commandement de Pizarro signifia la chute de l’empire inca. La découverte de nombreuses richesses naturelles, en particulier minières, accéléra la mise en place d’un système colonial fondé sur l’exploitation intensive des ressources. Ainsi, on estime que de 1545 à 1822, 40 000 tonnes de minerai ont été extraites du « Cerro rico » de Potosi, une des principales mines d’argent du nouveau monde. La Conquête espagnole et le régime colonial qui s’en suivit eurent l’effet d’un séisme démographique, politique et culturel : chute d’environ 60% (selon les plus basses estimations) de la population indigène, système politique réduit à des communautés locales dirigées par des autorités sous contrôle direct des espagnols, évangélisation massive, etc. Ce processus de domination de type colonial se poursuivra jusqu’à la période républicaine et ce en dépit de nombreux épisodes de résistance des populations indigènes, comme la révolte de Tupaq Katari qui embrasa la région andine à la fin du XVIIIème siècle.

La guerre d'indépendance dura de 1809 à 1825 et fut gagnée grâce aux armées de Simon Bolivar et de José Antonio Sucre.  La nouvelle république est cependant loin de signifier la fin des processus de domination. Les pouvoirs restent monopolisés par des élites blanches et métisses qui approfondissent la déstructuration des sociétés indigènes.

La Bolivie a perdu une partie de son territoire lors de guerres qui ont laissé des traces douloureuses dans la mémoire collective : Guerre du Pacifique (1879-1984) contre le Chili, qui lui coûta son unique accès à la mer, que les Boliviens continuent à revendiquer et Guerre du Chaco (1935) contre le Paraguay.

Le XIXème et le XXème siècle furent politiquement instables, marqués par des guerres civiles et de nombreux coups d’Etat. Après une période de démocratisation et de grandes réformes (dont une réforme agraire inachevée) menées suite à la révolution de 1952, le pays connut vingt ans de dictatures militaires. Souvent soutenus par les Etats-Unis et liés au narcotrafic, ces régimes furent particulièrement violents débouchant sur des vagues de répression. En 1983, la Bolivie retrouva un régime démocratique qui, malgré les instabilités politiques, s’est maintenu et consolidé.